A Dolpo, au pied des
plus hauts sommets du monde, les précipitations sont très
faibles (de 100 à 250 mm/an), la plupart d'entre elles se
produisent en hiver et permettent d'avoir un couvert neigeux
et une réserve de glace qui en fondant alimentent des torrents
dont l'eau est captée pour l'irrigation...
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__________Un système irrigué dans une haute vallée de l'Himalaya
Népalais
Corneil JEST_____
Transportons-nous dans la région
himalayenne à six mille kilomètres de la France... à une latitude
identique à celle du sud marocain. Il faut imaginer une région de
hautes montagnes où dans certaines vallées à plus de 4000 mètres
d'altitude les hommes arrivent à cultiver une unique céréale l'orge
!
Les bases de l'économie locale
Les hommes qui vivent dans les hautes vallées de Dolpo sont agriculteurs
et éleveurs. Ils cultivent de l'orge irriguée et élèvent des yaks,
des vaches, des ovins et des caprins adaptés à la haute altitude.
La production agricole et pastorale n'est pas suffisante pour vivre
toute une année et c'est par le troc du grain local contre du sel
obtenu du Tibet (dépôts de sel dans des dépressions), lui-même rééchangé
contre des céréales des basses vallées népalaises qu'a lieu la "multiplication
du grain" qui permet la soudure. Les taux pratiqués sont au Tibet
d'une mesure d'orge contre deux mesures de sel, et dans les vallées
du sud d'une mesure de sel contre trois mesures de grains variés
(riz, blé, millet). Ces activités agro-pastorales s'inscrivent dans
un calendrier précis du mois d'avril à la fin septembre, la neige
hivernale limitant fortement les déplacements. Seuls les échanges
avec les basses vallées peuvent s'étaler pendant l'hiver.
La
culture de l'orge irriguée
L'orge cultivée est une orge à six rangs à grains nus, semée en
mai. L'ensoleillement est intense et l'absence de précipitation
entraîne des besoins en eau importants. L'arrosage est pratiqué
à trois ou quatre reprises au cours de la croissance : Le premier
arrosage permet de mouiller le sol avant le semis ; le second intervient
après un premier binage quand "la feuille a l'aspect d'une flèche"
(10 cm) ; le troisième suit le second binage c'est "l'eau qui donne
vigueur à la plante" avant que l'épi n'apparaisse ; Le quatrième
arrosage est réalisé "s'il ne pleut pas" 15 jours plus tard soit
fin août. La récolte a lieu en septembre ; le rendement tourne autour
de 7 mesures récoltées pour 1 semée (env.16 qx/ha). Comment se présente
le réseau d'irrigation ? L'eau est captée par dérivation sur un
torrent (dont le lit se déplace d'une année sur l'autre) puis convoyé
par un canal qui peut faire plusieurs kilomètres, creusé dans un
sol grossier pour atteindre les terres cultivées aménagées en champs
disjoints terrassés en fond de vallée. C'est un système fragile
qui mérite l'attention permanente des hommes : Le curage des canaux
et la reconstruction de la prise d'eau sont entrepris dès la fonte
des neiges (l'épandage de cendres est parfois utilisé pour accélérer
l'effet du soleil). Toute la communauté participe à ces travaux
pendant une dizaine de jours. Les champs sont nivelés lors de la
première irrigation. L'eau distribuée par gravitation est répartie
à l'aide d'un réseau de rigoles façonnées sur chaque parcelle après
le premier binage. L'eau est distribuée en fonction d'un tour d'eau
fixé par la coutume (dans certains villages, où l'eau n'est pas
suffisante, des réservoirs stockent l'eau pendant la nuit ; elle
sera utilisée le lendemain selon un tour d'eau organisé par avance).
L'organisation locale
L'assemblée de village, composée d'un représentant de chaque foyer,
attribue les tours d'eau en fonction de la localisation des surfaces
à irriguer et gère les conflits. L'assemblée se réunit sous la responsabilité
du chef du village, un ancien qui a la confiance de tous. L'eau
étant un élément vital pour la communauté on aboutit à un consentement
de tous. S'il survient une période de sécheresse, l'ordre des propriétaires
dans les tours d'eau est tiré au sort. Soyons clair, la survie de
la communauté dépend tellement de la gestion de ses ressources en
eau qu'il est difficilement concevable que s'établisse une mésentente
durable menant à sa disparition ! Les nombreuses ruines de villages
dans certaines vallées attestent la décision prise par des communautés
de quitter un terroir par manque d'eau. .
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